Puerto Montt : là où on joue aux hôteliers

Ça y est, c’est fait : on a vu le Pacifique. Bon, c’est techniquement plutôt une péninsule à Puerto Montt, mais l’eau est quand même celle du Pacifique, ne jouons pas sur les mots.

Rien que pour ça, l’arrivée à Puerto Montt est un petit événement dans nos vies… Et pour pas grand chose d’autre, en fait, car le nom a beau sonner comme une ville d’aventures, elle n’est pas très intéressante : une rue principale avec des commerces, un mall (centre commercial) pour se balader le dimanche (youpi !), et tout le reste est déglingué, sale et triste, sous un ciel constamment nuageux. Une ville portuaire délabrée à qui il manque le bricolage savant d’habitants pour trouver le charme d’une Marseille ou d’une Valparaiso.

Ici, tout le monde est plus ou moins marinero, et ça se ressent dans la fibre sociale : les dialogues sont réduits au strict minimum nécessaire, seule une étude des regards permet d’y voir de la bienveillance, par moments. On expérimente l’espagnol chilien des marins, pire qu’un espagnol chilien tout court, il nous arrive de ne rien comprendre du tout, genre rien de rien (mais bon, à notre décharge, tout le monde n’a pas toutes ses dents, la santé est privée et hors de prix…).

Le côté bien du Chili et encore plus de Puerto Montt, c’est que rien n’est jamais figé, tout ce négocie. Par exemple, les bus te prennent à peu près là où tu veux, pareil pour te poser, et ils s’arrêtent aussi à l’occasion pour passer un cric à un copain en panne. Le revers, c’est que les prix varient en fonction des jours, de l’humeur du chauffeur ou peut-être​ de la météo – on n’a pas bien compris, c’est la roulette russe.

Mais diable !, vous dîtes-vous (enfin, si vous êtes venus des années 40), quand arrive donc la partie rigolote : Juju et Roro, dueños d’un hôtel-restaurant ! Patience…

On avait trouvé un volontario (pour ceux qui ne connaissent pas le concept, allez réviser à l’épisode rosarino) dans un hôtel-restaurant, donc, sur une petite île près Puerto Montt, la Isla Tenglo.

Si on était objectifs, on aurait du mal à vous faire rêver sur notre virée a Puerto Montt : propriétaire antipathique (avec une vie personnelle qui donne le ton, les plus curieux auront les anecdotes au retour!), et contenu du volontariat à limite de l’esclavage (« Mais bien sûr que je peux t’apporter des frites congelées chez toi à 22h, après tout je ne suis debout que depuis 7h30 pour préparer les petits déjeuner dans ton hôtel, et puis je comprends bien que tu sois fatigué après ta journée au spa. D’ailleurs, ça me permettra de te donner les 400 dollars que j’ai encaissés à ta place ce weekend, c’est super ! »). Mais concentrons-nous sur les points positifs.

On disait qu’on avait un hôtel et qu’on gagnait plein d’argent !

Vous vous rappelez les copains, tous les moments où on imagine le restau/bar/café/salon de thé/librairie qu’on va ouvrir et qui va être trop génial ? Et ben imaginez maintenant qu’on vous file les clés et qu’on vous laisse essayer…

Roro et Juju, pour vous servir

Il nous a suffit d’envoyer un mail pour être volontaires : c’est comme ça qu’on s’est retrouvés uniques gérants d’un hôtel restaurant d’une capacité de 8 clients, noté 9.4 sur TripAdvisor. J’exagère, on a eu une dizaine de minutes de formation (voir ci-dessous notre dossier de formation recto-verso), du genre : « alors là, tu as les torchons…. là les fourchettes… dans l’armoire là-bas c’est les draps… Voilà, bisous et bon courage ».

Dossier de formation recto

Dossier de formation verso

On est tout : maîtres d’hôtel, cuisiniers, réceptionnistes, serveurs, paysagistes, on coupe du bois à la hache pour le feu, on est femme de chambre (et homme de chambre, très choquant pour un homme chilien que l’un de ses homologues français sache utiliser l’aspirateur)…

Notre affaire tourne bien : on vend des hamburgers délicieux, Roro devient le pro des huevos revueltos (oeufs brouillés ; merci les Internets !), on livre des petits déj’ dans les chambres, on refait des lits plus vite que nos ombres, bref, on est gérants d’hôtel. Et on s’en sort pas si mal, apparemment : car l’un des gros avantages de ce volontariat, c’est qu’on a des pourboires… Environ 80000 pesos chiliens (un peu plus de 100 euros) en deux semaines !

Ça nous donne pleins d’idées, y compris celle d’ouvrir notre propre auberge de jeunesse en rentrant à Marseille… On en reparle, hein.

Autre gros point positif de ce volontariat, le confort. On a désormais notre propre chambre avec salle de bain privative (bon, sans porte… C’est tout un concept de faire pipi à l’ouïe de tous, surtout quand il y a une autre volontaire qui dort, mais on va pas faire les difficiles…), on a internet, une télé qui nous permet de nous familiariser avec les conneries télévisuelles chiliennes – Masterchef, Increíble Talento ou quelque chose comme ça, Doble Tentación, la telenovela Perdona A Nuestros Pecados -, une machine à laver, l’accès à la grande cuisine de l’hôtel… Si on avait l’eau chaude 24h sur 24 et que je n’avais pas chopé les puces de Galia (notre amie​ canidée de ce volontariat), ce serait le rêve absolu.

La isla bonita, le retour

Le gros problème de Puerto Montt, c’est le temps. Dans la conception d’un autochtone, quand il ne pleut pas, c’est qu’il fait beau. Ça n’étonnera pas nos amis habitants du Nord de la France, mais sachez que pour un marseillais, c’est​ un vrai choc culturel : pour nous, si un micro nuage passe pendant 10 secondes devant le soleil, c’est qu’il fait mauvais.

Malgré notre statut de volontaires surexploités, on aura quand même quelques heures de liberté pour explorer la petite Isla tenglo par jour de beau temps et marée basse (important la marrée basse, sinon, tu ne peux pas faire le tour de l’île). C’est très beau et très sauvage : quelques maisons (dont certaines ont une pancarte « supermercado » devant le portail, car on y vend du pain et des cigarettes), du vert, des bateaux abandonnés, le tout surmonté d’une église avec une énorme croix – les chiliens ne rigolent pas avec la religion. Ici, dans le bus, tout le monde se signe si on passe devant une église. J’en ai parlé à un chilien qui m’a dit qu’il pensait que les gens étaient de moins en moins croyants, mais que cette habitude restait – après tout, ça coûte rien et on sait jamais.

Roro et Galia, notre amie canidée du coin. Galia est très gentille et peureuse, tellement qu’elle a failli se faire croquer par les chiens du village…

Et cerise sur notre gâteau porteño (l’adjectif porteño désigne en fait tout ce qui a trait au port), notre hôte nous a quand même invité à faire du bateau et on a vu des loups de mer et des pingouins, oui messieurs dames !

Une réflexion sur “Puerto Montt : là où on joue aux hôteliers

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